Dimanche, 13 mars 2022

Energie nucléaire : Des attentes réalistes et des critères clairs sont indispensables

Le débat sur l'énergie nucléaire reprend de l'ampleur dans certains milieux. Les Vert'libéraux affirment qu'à l'heure actuelle et pour les 20 à 30 prochaines années, il n'y a pas d'autre voie que celle d'une transformation conséquente de notre approvisionnement en énergie vers des énergies renouvelables. Dans une perspective à plus long terme, les Vert'libéraux définissent des conditions de sécurité claires auxquels une future technologie nucléaire devrait répondre.

Situation actuelle et horizon jusqu'en 2040 

En mai 2017, le peuple suisse a clairement approuvé la stratégie énergétique 2050. L'interdiction d'octroyer une autorisation générale pour l'ouverture de nouvelles centrales nucléaires a été inscrite dans la loi sur l'énergie nucléaire (art. 12a LENu).

Cette décision est à l'origine de nombreuses études et scénarios qui montrent comment l'approvisionnement énergétique de la Suisse peut être assuré sans cette énergie. En effet, la Suisse peut réussir à se décarboner sans énergie nucléaire d'ici 2050. 

 

Dans leur stratégie Cool Down2040, les Vert'libéraux ont présenté les mesures et les technologies qui rendent possible le 0 net CO2 dès 2040. A l'exception du secteur aérien, les Vert'libéraux ont pris en compte toutes les émissions, pas uniquement celles issues de la production d'énergie. Toutes les mesures proposées dans la stratégie énergétique des Vert'libéraux se basent sur des technologies connues aujourd'hui, disponibles sur le marché et qui peuvent être utilisées à large échelle. Seules les solutions concernant les émissions dites "négatives", qui seront de plus en plus nombreuses en se rapprochant de 2040, ne sont pas encore disponibles actuellement à grande échelle. 

 

La Roadmap de notre Président, Jürg Grossen, complète la stratégie Cool Down 2040 et montre en détails comment assurer une production pérenne d'électricité en Suisse. Ce document met également en évidence les différents éléments de l'approvisionnement de la Suisse en 2050, c'est-à-dire uniquement par des énergies renouvelables, sans nucléaire et sans importations d'énergies (chiffres nets). La Roadmap mise sur une meilleure efficacité énergétique, un fort développement du photovoltaïque et des infrastructures électriques intelligentes. De plus, elle tient compte de l'augmentation des besoins en électricité pour une électrification complète du trafic routier ainsi que d'une consommation électrique plus élevée en raison d'une utilisation plus large des pompes à chaleur. 

 

Les Vert'libéraux sont convaincus qu'à l'horizon 2040/50, un approvisionnement électrique de la Suisse sans énergie fossile ni nucléaire est possible. Ainsi, la transition énergétique a le potentiel d'être économiquement rentable et respectueuse de l'environnement. Pour cela, la volonté politique de déployer et de favoriser largement les possibilités techniques actuelles composées d'un large mélange de différentes énergies renouvelables doit être là. Ces dernières devront de plus être associées à des mesures en matière d'efficacité énergétique et de gestion intelligente des infrastructures du réseau. La Suisse doit prendre ce chemin rapidement, de façon cohérente et sans perdre du temps en plaçant des espoirs dans des technologies futures qui ne sont qu'à un stade peu avancé. Enfin, il est important de rappeler que les coûts de l'énergie nucléaire, en particulier les coûts de gestion des déchets qui y sont liés, ne sont pas économiquement compétitifs par rapport au développement des technologies des énergies renouvelables. 

 

Horizon à partir de 2040 

A un horizon plus lointain, des technologies émergentes ou pas encore découvertes peuvent faire leur entrée sur le marché. Par exemple, on a pu observer qu'un accroissement de la demande de carburants synthétiques se dessine. Ces derniers permettraient de décarboniser complètement l'aviation. Pour cela, il faut toutefois que le CO2 puisse d'abord être extrait de l'air. Or, la récupération du CO2 dans l'air demande de l'énergie pour ensuite transformer le CO2 en carburant synthétique ou le stocker dans un puits de CO2 permanent. 

 

Du côté de la production d'énergie, de grands espoirs sont portés par la fusion nucléaire, qui ne pourra toutefois pas être utilisable avant 20 ou 30 ans, voire plus. En effet, pour le moment, cette technologie n'a pas dépassé le stade de la recherche. Actuellement, c'est déjà un immense succès si une réaction peut être maintenue pendant 5 secondes, et ce en utilisant beaucoup plus d'énergie que celle obtenue par la fusion en elle-même. 

 

Enfin, des voix s'élèvent pour réclamer de nouvelles centrales nucléaires basées sur la fission nucléaire. On parle de nouvelles générations et de petites centrales (SMR - Small Modular Reactor). Les termes 'nouvelle génération' et SMR sont des termes génériques qui n'ont pas été définis clairement. A quoi doivent-elles ressembler ? Quelles technologies utiliseront-elles ? Et surtout, est-ce qu'elles permettent de régler les problèmes rencontrés par les centrales nucléaires actuelles ? Tout cela reste peu clair. En effet, une taille plus petite n'assure pas fondamentalement qu'une centrale nucléaire est plus sûre. En résumé, la question la plus importante est de savoir comment ces nouvelles technologies vont résoudre les problèmes de l'utilisation actuelle de l'énergie nucléaire. 

 

Conditions pour une éventuelle utilisation des technologies nucléaires dans l'avenir 

Comme déjà mentionné plus haut, si les Vert'libéraux devaient un jour approuver l'utilisation de l'énergie nucléaire, les problèmes des centrales nucléaires actuelles devraient absolument être résolus.

En effet, l'utilisation actuelle de l'énergie nucléaire repose toujours sur la fission de l'uranium et elle présente trois inconvénients majeurs : 

  • La réaction est difficile à contrôler.
    Ces difficultés ont déjà conduit à de nombreux accidents, dont les plus connus sont ceux de Fukushima (2011), Tchernobyl (1986) et Three Mile Island (1979). En Suisse aussi, un accident grave s'est produit à la centrale nucléaire expérimentale souterraine de Lucens en 1969. Ainsi, tant que la production d'énergie repose sur une réaction en chaîne auto-entretenue, des accidents graves ne peuvent pas être exclus.  

  • L'exploitation d'une centrale nucléaire produit des déchets radioactifs à très longue durée de vie. 
    Le stockage définitif des déchets radioactifs à longue durée de vie n'est toujours pas résolu. Un stockage sûr des déchets sur plusieurs centaines d'années ne peut guère être assuré par la génération actuelle alors que des milliers d'années seraient pourtant nécessaires. 

  • La production nucléaire crée des éléments pouvant fabriquer des armes. 
    Les produits de fission des réacteurs actuels contiennent des éléments qui peuvent être utilisés pour la fabrication d'armes nucléaires (notamment le plutonium 239) ou de bombes 'sales'. La perte de maîtrise ou le transfert non voulu de ces matériaux peuvent avoir de graves conséquences en cas de guerre ou en vue d'utilisation dans le cadre d'activités criminelles de groupes terroristes. 

 

La technologie nucléaire du futur doit offrir des solutions à ces trois problèmes, c'est-à-dire :  

  • Elle doit être intrinsèquement sûre, c'est-à-dire sans réaction en chaîne auto-entretenue. 

  • Tous les éléments produits doivent avoir des demi-vies courtes

  • Le risque de prolifération doit être écarté. 

 

Enfin, la technologie nucléaire du futur devra être également compétitive sur le plan de la rentabilité.