Une politique de neutralité pour une affirmation de la souveraineté des peuples et de la démocratie libérale

L’attaque brutale opérée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine – pour rappel, un état souverain et démocratique – a montré à la Suisse et à l’Europe entière une nouvelle réalité géopolitique. Les démocraties libérales du continent sont désormais directement menacées dans leur territoire. Ce changement de contexte a déclenché en Suisse une discussion profonde sur la notion de neutralité et notre place dans le monde. Ces démocraties libérales sont de plus en plus sous pression dans la concurrence systémique avec les États autocratiques et faussement démocratiques. La guerre d'agression menée par la Russie est contraire au droit international, se base sur une loi du plus fort et nie le respect de la liberté, de la démocratie et des droits de l'Homme. En tant que petit Etat neutre, nous sommes particulièrement tributaires de l'application des principes du droit international. Une compréhension traditionnelle du droit de la neutralité, basée sur les Conventions de La Haye de 1907, qui se focalise sur la non-participation à des guerres d'autres pays, ne sert plus notre sécurité. Nous, Vert'libéraux, demandons donc une politique de neu-tralité qui tienne compte de la nouvelle situation menaçante.

Un regard sur l’Histoire nous montre en outre que la Suisse a toujours appliquée la notion de neutralité de manière flexible, s’adaptant au contexte extérieur et sécuritaire du moment. Et puis, il est bon de rappeler que la neutralité n’est pas une finalité en soi, mais plutôt un instrument utilisé pour la préservation de notre sécurité. C’est à cette fin aussi qu’il est souhaitable de promouvoir les valeurs de la démocratie libérale et les principes du droit international, tels que la liberté personnelle, les droits de l'Homme et l'interdiction de la violence entre les États telle qu’inscrite dans la Charte des Nations Unies.

Pour une politique de neutralité effectivement non-alignée mais pas indifférente aux valeurs.

Les objectifs et valeurs centraux de la politique étrangère suisse sont inscrits dans la Constitution fédérale à l'article 54. Il s'agit notamment de préserver l'indépendance de la Suisse et de promouvoir la coexistence pacifique des peuples. En matière de politique de sécurité, la sécurité et la protection du pays et de la population sont placée au centre (art. 57 Cst.). La neutralité n'est ainsi pas une fin en soi, mais un instrument permettant d'atteindre les objectifs mentionnés. Pour promouvoir la stabilité et la paix dans le monde, mais aussi pour notre propre sécurité, l'ordre de paix établi par le droit international se doit d’être préservé.

 

Nous, Vert’libéraux, soutenons un engagement actif de la Suisse dans son rôle de médiatrice dans les situations de conflit et pourvoyeuse des bons offices. Dans ce contexte, la Suisse place son aide humanitaire au centre de son engagement. Notre tradition humanitaire se doit ainsi de primer sur une interprétation étroite du droit de la neutralité. La Suisse doit également mettre à disposition des populations civiles en détresse dans les conflits armés du matériel de protection et participe aux soins médicaux. Elle renforce les conditions-cadres de la Genève internationale afin qu'elle puisse continuer à jouer son rôle de médiateur pour la paix et la stabilité dans le monde. Les Vert'libéraux sont ouverts aux engagements de l'armée suisse à l'étranger en faveur de la paix, pour autant que ces engagements soient légitimés sur le plan international et du droit international public et qu'ils bénéficient d'un large soutien.

 

Nous demandons donc que la politique de neutralité soit conçue selon les principes suivants :

  • Promotion de la démocratie libérale et des principes du droit international : La Suisse adhère aux valeurs fondamentales d'une démocratie libérale et aux principes du droit international : Liberté personnelle, Etat de droit, interdiction de la violence entre Etats et droits de l'Homme. La conception de la neutralité de la Suisse doit avoir pour objectif de renforcer ces valeurs au sein de la communauté internationale ou d'empêcher leur affaiblissement. Une guerre d'agression est, selon l'ONU, un crime contre la paix mondiale et l'agresseur doit être considéré responsable de ses actes. La Suisse a besoin d'une interprétation solide et moderne du droit de la neutralité. En cas de violation du droit international, elle doit donc accorder plus de poids aux mesures qui contribuent à la défense de notre sécurité et de ces valeurs qu'à une éventuelle violation d'un droit de la neutralité compris de manière traditionnelle. La Suisse doit s’engager en outre à développer en permanence le droit international public dans le sens des valeurs et des droits universels.
  • Pour la reprise de sanctions internationales : L'adoption de sanctions pour la défense de la démocratie libérale et des principes du droit international public est dans l'intérêt même de la Suisse en matière de politique de sécurité. C'est pourquoi les Vert'libéraux soutiennent l'adoption de sanctions à l'encontre des Etats qui violent le droit international.
  • La Suisse doit rester non-alignée, mais encourager la coopération avec l'UE et l'OTAN : la Suisse doit continuer à ne pas s'affilier à une alliance militaire. Toutefois, afin de pouvoir garantir une capacité de défense globale du pays en cas d'attaque dans le contexte actuel, la Suisse doit participer à l'architecture de sécurité européenne en renforçant sa coopération avec l'UE et l'OTAN. L'interopérabilité de l'armée suisse avec les troupes de l'OTAN et de l'UE doit être garantie. Cela signifie par exemple que la Suisse participe aux exercices de défense commune de l'OTAN.
  • Réforme des règles de réexportation du matériel d'armement : la Suisse doit permettre la réexportation du matériel d'armement vers des États démocratiques qui sont victimes d’attaques en violation du droit international. Sinon, la Suisse ne doit pas exporter de biens d'armement vers des pays belligérants, ni vers des pays en situation de guerre civile ou qui violent eux-mêmes systématiquement les droits de l'Homme.

Éléments de contexte : droit et politique de la neutralité

La politique de neutralité est un instrument de politique étrangère et de la politique de sécurité qui servent à préserver notre sécurité, nos valeurs fondamentales et notre prospérité. Elle se base sur le droit de la neutralité qui fut imposé à la Suisse par les grandes puissances européennes lors du Congrès de Vienne en contrepartie de la garantie de son indépendance, impliquant l'obligation de renoncer à une participation militaire à des guerres entre Etats, de garantir la légitime défense, de traiter les belligérants sur un pied d'égalité lors de l'exportation du matériel de guerre et de ne pas mettre à leur disposition mercenaires ou territoires. En contrepartie, l'inviolabilité du territoire suisse a été garantie. La neutralité n'est toutefois pas une fin en soi. Elle doit toujours être considérée comme un instrument de la politique étrangère et de la politique de sécurité. Si la neutralité ne peut plus garantir la sécurité de la Suisse dans une mesure suffisante et ne peut plus contribuer aux objectifs de la politique étrangère de la Suisse, elle doit être remise en question ou du moins adaptée.

 

Le droit de la neutralité date d'une époque où la conduite de la guerre était un moyen légitime de la politique étrangère et où la Suisse, en tant que zone tampon entre les grandes puissances, devait être un pilier de stabilité dans une Europe ravagée par la guerre. En même temps, la neutralité représentait une stratégie de survie pour notre petit État.

 

Cette situation a radicalement changé au cours du siècle dernier. Premièrement, depuis la création de l'ONU, la guerre est proscrite par la communauté internationale et considérée comme contraire au droit international. Deuxièmement, la Suisse fait partie de la communauté de valeurs occidentale et est entourée, depuis la fin de la guerre froide, d'États qui vivent selon les mêmes valeurs fondamentales que nous : Démocratie, liberté, État de droit et droits de l'Homme. Troisièmement, compte tenu de l'évolution technologique, il n'est plus guère possible aujourd'hui pour un petit État comme le nôtre de se défendre de manière autonome.

Pour télécharger le papier de position du groupe parlementaire :